Par François Vaqué
Chez Centaurus, nous avons le privilège de travailler à la fois avec des consultants en services professionnels et des entrepreneurs issus entre autres, d’entreprises familiales. Les consultants veulent à tout prix les entrepreneurs comme clients et les entrepreneurs veulent de bons conseils à bon prix des consultants.
Je connais bien le milieu des entrepreneurs et plus particulièrement ceux qui vivent au quotidien avec leur famille dans ces entreprises. Comme Obélix, je suis tombé dans la marmite quand j’étais petit. Toute ma vie, j’ai vu mon père créer, gérer et faire croitre son entreprise. J’ai ensuite vu ma sœur prendre la relève avec succès et j’ai participé aux diverses discussions familiales sur la pérennité de l’entreprise et le partage éventuel de ses actifs. Bref, j’ai été témoin de la préparation de la succession.
Comme plusieurs d’entre vous le savent, je suis né sur le Vieux Continent et avec le temps vient une certaine sagesse basée sur l’expérience. Ainsi, la pérennité des entreprises familiales est une chose habituelle en Europe. Même la France, avec son ultra fiscalité, a mis en œuvre des politiques facilitant la transmission des entreprises familiales. De ce côté de l’Atlantique, nous avons encore peu d’expérience et d’expertise dans la transmission de ces entreprises et cela est particulièrement vrai au Québec. En effet, à part quelques exceptions, les bâtisseurs du Québec inc. commencent à peine à devenir grands-pères ou grands-mères. Nous en sommes donc aux balbutiements de la deuxième, voire la troisième génération d’entrepreneurs familiaux. Nous le savons tous et en particulier nos consultants en services professionnels : nous avons un énorme défi de relève au Québec. Plusieurs intervenants expriment une crainte justifiée de voir la propriété de nos entreprises quitter notre province et même notre pays, car de trop nombreuses entreprises de chez nous ne sont déjà plus de propriété familiale.
Je pourrais élaborer sur le manque de proactivité de nos gouvernements à mettre en place des politiques fiscales qui empêcheraient tout cela, mais je vais plutôt me pencher aujourd’hui sur la relation entre les consultants et les familles entrepreneuriales. La vaste majorité des consultants est attirée par cette clientèle entrepreneuriale. La plupart ont même des pratiques dédiées à elle ainsi qu’à la relève d’entreprise. Mais cette relation d’affaires, qui semble pourtant si naturelle, se limite trop souvent à la volonté de vendre des mandats. Alors pourquoi ce dialogue de sourds?
Malheureusement, l’entrepreneur ou sa famille a l’impression d’avoir un « signe de piastre tatoué sur le front » lors de rencontres avec certains professionnels. Ces derniers les approchent avec des solutions incomplètes à leur problème, une planification fiscale par ci, des actes notariés par là et pourquoi pas l’établissement d’une série de fiducies complexes! Les services proposés ne suivent ni le discours ni la volonté de développer une relation d’affaires gagnante et durable. Oui, les consultants parlent de « vision globale », de « solutions clé en main » et de « services intégrés », mais trop souvent, ils ne font que la promotion d’une expertise sectorielle. Leur ADN, leur nature propre, les empêche souvent de s’entourer d’une véritable équipe multidisciplinaire capable de servir convenablement les entrepreneurs ou leur famille.
C’est alors que ces entrepreneurs ou ces familles se retrouvent à devoir trop souvent expliquer, confirmer et répéter leurs idées, leurs appréhensions, leur pensée et surtout leur souhait de faire affaire avec la perle rare, le VRAI conseiller qui les écoutera vraiment. Mais, à leur grand malheur, cette écoute est rare.
Autre scénario trop fréquent : au lieu d’écouter vraiment ce que l’entrepreneur cherche à lui expliquer, le professionnel prépare déjà sa longue liste d’expertises, d’expériences et de cas similaires, pensant que ces arguments confirmeront la vente. Erreur! En se comportant ainsi, on établit plutôt les bases d’un dialogue de sourds.
Il faut bien comprendre que chaque situation, chaque entrepreneur, chaque famille est unique. Combien y a-t-il d’enfants? Qui voudra reprendre l’entreprise? Sont-ils prêts psychologiquement? Ont-ils les outils ou la confiance pour le faire? Veulent-ils garder le capital, mais ne pas gérer l’entreprise? Veulent-ils s’impliquer au conseil d’administration? Veulent-ils garder une porte ouverte pour un retour à la gestion des générations futures? Ces familles entrepreneuriales veulent des consultants qui les écoutent vraiment, qui savent s’entourer de collègues avec des expertises complémentaires à la leur afin d’être en mesure d’offrir une panoplie complète de services et de solutions.
Finalement, terminons par un conseil. Mes chers amis consultants, sortez de vos silos, écoutez vraiment vos clients et associez-vous à d’autres experts. C’est ainsi que vous pourrez aider nos familles entrepreneuriales à conserver leurs entreprises et nous aider à ne pas perdre ces joyaux qui constituent, surtout au Québec, le fondement de notre économie.
note: Le château d’Osaka est l’un des châteaux les plus célèbres du Japon. Il a joué un rôle majeur durant l’unification du Japon au XVIᵉ siècle au cours de l’une des dernières grandes révoltes contre les Tokugawa.
L’entreprise familiale Kongo Gumi basée à Osaka, au Japon, a participé activement à la réalisation de celui-ci ainsi qu’un grand nombre de temples bouddhistes il y a plus de 1400 ans. Fondée en 578, elle est toujours active aujourd’hui. Le président actuel est Toshitaka Kongo, il représente la 40e génération de repreneur. Son fils de 51 ans, Masakazu Kongo sera le 41e repreneur de l’entreprise familiale.