La vie est la vie. Il y a des moments fantastiques de victoires et de joies. Des moments marqués au fer rouge dans nos mémoires. Des moments où nous accomplissons aujourd’hui une aspiration, une réussite un rêve. Des moments qui nous poussent encore un peu plus vers l’accomplissement de nous-mêmes, la réalisation personnelle. Des moments où tout ce que nous avons fait depuis des années se cristallise enfin et que nous pouvons nous reposer sur ces étapes intérimaires avant de repartir pour une autre aventure.
Mais il y a aussi des moments de cruelles défaites, des échecs douloureux, des cris du cœur qui nous arrachent les entrailles et mettent en péril tout ce que nous avons bâti. Et surtout remettent en cause notre propre estime de nous-même. Au cours des dernieres semaines, j’ai cotoyé quelques personnes que j’apprecie beaucoup qui ont vécu ce genre d’échec. Ils vivent dans le silence, la solitude et la honte. Et notre mission d’accompagnateur est souvent de leur donner une lueur d’espoir dans ce tourbillon d’énergie.
Donc, pour eux, et pour tous ceux qui ont passé par un chemin semblable, j’aimerais vous raconter une fantastique histoire. Celle d’un échec !
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Il était une fois, un homme plein d’énergie et de motivations qui s’apprêtait à réaliser le rêve de sa vie ; celle de participer à une incroyable aventure internationale qui devait, selon lui, tracer le reste de sa carrière. « La Course autour du Monde » était une émission de télévision ou 8 jeunes partaient avec une caméra en solo, faire le tour du monde. Le concept est simple aujourd’hui, mais combien compliqué il y 27 ans. Pas d’Internet, peu de moyens de communication, des transports internationaux compliqués et surtout un contexte sécuritaire aussi tendu qu’aujourd’hui. Déjà, l’expérience avait été un succès dans les années 70-80. Donc, la grande chaîne de télévision « Radio-Canada » remettait au goût du jour « la Course Destination Monde » devenait la nouvelle mouture. Lui qui avait vécu comme enfant et adolescent les péripéties de « Georges Amar » et des autres, il avait rêvé de se voir, caméra à l’épaule, parcourir les contrées inexplorées. Il se voyait déjà comme un journaliste de terrain, explorant les conflits internationaux. Pierre Nadeau, le grand reporteur international était son idole.
Cette expérience lui permettrait, selon son point de vue, de se lancer dans la vie et lui permettre de se réaliser. Et surtout de traverser la voie qu’il s’était donnée. Celle d’explorer le monde pour le plaisir des yeux et des expériences.
Il était prêt. Il avait franchi chacune des étapes à force de convictions, d’efforts, de sacrifices et d’abnégations. Mais peu importe les efforts, il le voulait tellement qu’il se disait que rien ne pourrait l’arrêter. Et qu’il était tout simplement inconcevable qu’il ne puisse y arriver. Certainement, il avait des doutes, mais toujours il était convaincu que seule la réussite serait la récompense.
Pourtant il avait tout pour lui. L’année précédente, alors que la réussite n’était pas envisageable, mais une surprise, il avait passé tellement près de la sélection finale. Le Saint Graal était maintenant à sa portée, et il se disait que cette fois, il ne pouvait y avoir d’échec. Il a fait, avec diligence tout ce que les évaluateurs, les conseillers, lui avait dit de faire. Il a étudié, parfait son expérience internationale, agrandi le réseau de personnes d’influence, travaillé sa technique, il avait fait, comme un bon élève ce « qu’il fallait pour réussir ».
Lors de la toute dernière étape, on lui avait demandé de parfaire son expérience internationale. Il est donc parti, avec son sac à dos, en Afrique pour justement vivre cette différence de culture. Un périple de 6 mois qui avait comme but de lui prouver, et aux autres qu’il était capable de le faire. Bien qu’il eût un bon œil artistique, on lui avait suggéré de prendre des cours privées de scénarisation, ce qu’il a fait en y investissant les quelques économies qu’il avait ammassé . On lui avait suggéré de faire des recherches avec profondeur sur certains sujets, ce qu’il a fait. Il avait coupé court à toutes relations amoureuses, car le départ projeté l’aurait sûrement amené à faire des choix douloureux. Il a « tout » suivi comme un bon élève qui suit ce qu’on attend de lui afin de réussir. Il avait misé sur cet avenir international dont il rêvait depuis son tout jeune âge. « All in » comme disent les anglais !
De son point de vue, il avait été chanceux de se rendre au dernier niveau de sélection l’année dernière. Mais cette année, il n’y avait aucune chance à prendre. Il était prêt. Mentalement, psychologiquement et physiquement. Il avait un trajet « parfait ». Il était confiant à l’extérieur, mais combien fébrile à l’intérieur !
Alors, il attendait avec impatience la réponse de la sélection finale. Celle qui lui permettrait de partir pour cette incroyable aventure. Fébrile, il attend tout près du téléphone qui ne sonne pas. Il tourne, tourne, tourne en rond dans le petit appartement de peur de manquer l’appel qui changerait sa vie. Il essaie de lire, mais après quelques pages, il se rend compte qu’il relie le même paragraphe depuis cinq bonnes minutes. Il allume la télé, ou les émissions d’après-midi lui rappellent que la majorité des personnes de son âge ne regarde pas la télé à cette heure. Le temps passe lentement, lentement. Les minutes sont des heures, les heures passent comme des jours.
La journée passe et l’appel ne vient pas. Le soir, il repasse en tête le dossier qu’il a soumis, les conversations qu’il a eues. Comme l’an dernier, il avait passé les trois étapes préliminaires de sélection et qu’il avait été « coupé » à la toute dernière, il assumait que cette année, il recommanderait tout simplement le processus, beaucoup plus confiant. Il avait préparé son entrevue, il avait refait ses devoirs, son dossier était solide et il l’avait validé et vérifié par plusieurs spécialistes qu’il lui avait dit que les chances étaient bonnes et qu’il n’y avait pas de raison que cela ne fonctionne pas. Le dossier était nickel. Il a bien mis en évidence les points qu’il ferait de lui le meilleur candidat pour ce concours prestigieux. Aussi, comme il est généreux de nature, il a supporté un autre candidat pour le même concours. En se disant, qu’il y avait plusieurs postes disponibles pour ce concours et qu’ensemble le travail se ferait mieux. Il a offert son support à d’autres qui le réclamait avec toujours la bonté d’âme. Fort de son expérience, il a partagé les trucs, les éléments qui lui avaient permis l’an dernier de se rendre au tout dernier niveau.
L’échec n’était tout simplement pas concevable. Et pourtant…
La réponse arriva deux jours plus tard par la poste. La candidature était rejetée. Pire, il ne passerait même pas l’étape de présélection. Sans explications, sans détails, sans compassion. Juste un « non » sec et plat. Et pour ajouter l’insulte à l’injure, le candidat qu’il avait aidé, supporté, conseillé tout au long du chemin, lui était sélectionné pour la suite.
Ma vie s’écroulait. Mon rêve s’évanouit. Ce n’était tout simplement pas possible. J’avais tout compté là-dessus. Mon plan de carrière, mon estime personnelle, ma confiance, mon énergie et sans compter toutes mes économies. Je me retrouvais à 21 ans, sans diplôme, sans économie, sans trop d’amis, extraordinairement seul, avec un petit boulot de merde et à mes yeux sans avenir. J’étais détruit.
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Lorsqu’on parle d’échec, on y repasse souvent les mêmes banalités que l’on peut lire dans les « citations inspirantes » que l’on peut lire sur le web.
« L’échec est le fondement de la réussite »
Lao-Tseu
« L’échec est la mère du succès »
Philp Caldwell
« Oublie les conséquences de l’échec. L’échec est un passage transitoire qui te prépare pour ton prochain succès. »
Denis Waitley
“Beaucoup rêvent de succès. À mon sens, le succès ne peut être atteint qu’après une succession d’échecs et d’introspections. En fait, le succès représente 1% de votre travail qui comporte lui, 99% de ce qu’on peut appeler échec.”
Winston Churchill
Oui toutes ces phrases sont vraies et donne espoir. Mais au final, ce que l’on oublie souvent, ou que l’on ne traite pas c’est la douleur de l’échec. Car malgré tout le positivisme et les bonnes intentions que les gens autour de nous font pour nous aider, un échec, qu’il soit réel ou non, fait mal. Et de nier cette douleur s’est un peu comme nier ce que nous sommes. Nous sommes des humains qui aspirent et qui vivent. Et parmi cette nature humaine, il y a les émotions qui nous motivent.
Ce sont ces mêmes émotions qui nous poussent à aller plus loin, à nous surpasser, à sortir de notre zone de sécurité afin d’explorer des mondes nouveaux.
Ce sont ces émotions qui ont poussé Jacques Cartier à revenir en Amérique après que le Roi de France lui a coupé les vivres.
Ce sont ces émotions qui ont poussé Jeanne Mance cofondatrice de Montréal il y a 375 ans, à demander des fonds à des riches veuves afin de maintenir la fragile colonie en Nouvelle-France alors que les colons mourraient suite à la maladie et aux guerres.
Ce sont ces émotions qui ont poussé Winston Churchill à écrire ses mémoires de la guerre, ce qui lui parmi de gagner le prestigieux prix Nobel suite à sa cuisante défaite de 1945, malgré les accomplissement du grand homme durant la guerre.
Ce sont ces émotions qui ont poussé le Général Charles de Gaulle de quitter la France alors que Petain, son grand rival, le laisse tomber. De cette défaite amère, viendra le Grand rassembleur qu’a été De Gaulle.
Ce sont ces émotions qui ont permis au Japon et l’Allemagne pourtant des pays mis à la faillite après la défaite de l’Axe en 1945 d’être aujourd’hui des modèles économiques et des puissances mondiales.
Les exemples de persévérance à la défaite sont nombreux que ce soit collectivement ou individuellement. Et chaque échec est différent et comprend ses particularités. Mais une chose est commune de toutes ces histoires, c’est que la même émotion qui porte la douleur et le désespoir est celle qui vous permettra de grandir et de foncer vers de nouvelles victoires. Vous trouverez en vous cette énergie et avec le temps, la patience et la persévérance, vous transformerez ces défaites en victoires. Des victoires qui seront bien différentes de ce que vous aviez imaginé à la base, mais qui vous permettront de franchir une étape, un accomplissement, une réalisation.
Et que finalement ce que vous réaliserez c’est que la vie n’est pas une victoire ou une destination, mais un chemin. Et que les échecs, comme les victoires, font partie de ce chemin et que ce sont ces moments qui vous permettent de vous construire toujours un peu plus vers la suite des choses.
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Donc ce que j’ai le goût de vous suggérer aujourd’hui n’est pas de vous complaire dans l’abnégation de ce que vous ressentez.
• Acceptez que la défaite fasse mal et que vous ayez raison d’avoir mal.
• Les défaites comme les victoires forment aujourd’hui qui vous êtes et qui vous serez.
• Vous n’êtes pas la cause de toutes les défaites. Car certaines d’entre elles arrivent pour des raisons qui sont hors de votre contrôle.
• Une fois le deuil passé, utilisez cette énergie pour construire votre avenir, différemment peut-être.
• Que derrière une défaite se trouve une nouvelle opportunité en embuscade qui attend juste le bon moment pour ressurgir.
Et qu’au final, c’est vous qui ferez de ces défaites ou de ces victoires des succès.
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Au cours de notre vie, les défaites sont souvent plus marquantes que les victoires. Tout comme vous, je me souviens très bien de mes échecs. Et plus la défaite est grande et plus l’apprentissage est marquant. Mais la réalisation qui s’en suit est souvent aussi retentissante.
Personnellement, mes plus grandes réalisations ont suivi mes plus douloureuses défaites, que ce soit dans ma vie personnelle ou professionnelle.
Une année après cette cuisante défaite de la « Course Destination Monde », j’avais une conjointe, deux filles et une belle vie qui s’annonçait. Quatre ans plus tard, mon fils est né et j’avais une maison et un début de carrière. Et cette famille que j’aime tant est aujourd’hui mon plus grand accomplissement.
Mais malgré cela, cette défaite m’a porté tout au long de ma vie. Si elle me fait toujours mal lorsque j’y pense, elle me donne l’énergie d’accomplir mes rêves, et d’aller encore plus loin. Si j’aime tant mon boulot et les voyages, c’est que j’ai gardé en moi le meilleur de ce fantastique échec qui me permet aujourd’hui de vous raconter mon histoire et de vivre toujours plus intensément la belle vie qui nous est donnée.
Alors joyeux échec à tous !
Note: La photo représente a été prise en 1989, dans un village de Côte d’Ivoire lors d’une fête de générations. Ce voyage fut l’un des moments les plus marquants de ma petite histoire.