Depuis des mois, nous sommes bien sûr dans une situation préoccupante. Certains parlent même de la crise en « W » qui se pointe à l’horizon. Les spécialistes se confondent en spéculations de toutes sortes qui changent quotidiennement. Bien sûr que ceci affecte nos organisations. Mais la question reste : quoi faire quand le verger est malade? Voici mes réflexions du moment à ce sujet.
Au cours des 15 dernières années, notre verger a eu de nombreuses fluctuations et toujours nous avons pu y faire face. Mais la principale préoccupation était « comment est-il possible de gérer toutes ces opportunités et ce volume d’affaires »? Donc, le développement des affaires n’a pas été fondamentalement une priorité. Dans un monde où les opportunités sont nombreuses, dans un monde où il y a toujours quelqu’un quelque part qui a besoin de nos services, la stratégie est simple; « il faut seulement se promener dans le verger et il y aura toujours un fruit par terre pour nous nourrir. »
Mais aujourd’hui, notre verger est durement affecté par la « maladie de la crise économique 2008 » et de nombreux arbres sont morts, ou ne donne plus le volume de fruits qu’ils donnaient par le passé. Alors, il se passe ce qui se passe dans la nature, nous y voyons un processus de « sélection naturelle ».
Actuellement, j’observe entre autres deux familles de comportements :
1) Il a ceux qui considèrent que ce n’est que passager, que les bonnes récoltes reviendront
Au cours des dernières années, la situation s’est toujours replacée sans véritablement comprendre, un peu par magie. Une nouvelle opportunité, une nouvelle conjoncture de marché ont toujours créé une nouvelle tendance. Au cours des années, ils ont toujours eu un grand besoin de cueilleurs, alors dans un contexte où les ressources qualifiées étaient rares, les entreprises ont attiré ces cueilleurs par des salaires toujours plus alléchants. La livraison des mandats était la priorité, il faut traiter le nombre faramineux de pommes disponibles. Une préoccupation immédiate nécessite une réponse à court terme; on a besoin de cueilleurs, nous les attirons avec ce qu’il y a de plus facile; une plus grande rémunération…
Dans la même veine lors de disette, la stratégie est souvent de se réfugier dans les réserves et se concentrer sur les arbres qui donnaient des fruits par le passé. Ils restent souvent passifs et attendent que les fruits reviennent, sans trop se soucier de la vision à long terme de l’entreprise. Ils attendent…
Souvent, ils ne se rendent pas compte que les arbres eux-mêmes vieillissent et que certains d’entre eux ne passeront pas l’hiver. Certains vont simplement mourir de leur mort naturelle, d’autres seront simplement coupé ou déracinés pour être utilisé ailleurs dans un nouveau verger… Mais au fond, il ne faut pas s’inquiéter, il y a toujours eu un nouvel arbre à côté, pas trop loin pour nourrir les cueilleurs…
Mais il faut quand même agir. Ainsi, ils commencent par couper les frais jugés non essentiels. Les avantages non salariaux, comme les événements de reconnaissance des employés sont coupés peu à peu. Certains coupent même le « party de Noel » en jugeant que cela n’est pas un élément clé du bonheur des gens.
Pour l’organisation, ces éléments sont jugés non essentiels des cueilleurs (selon l’organisation). Après tout, ils sont chanceux, ils gardent leur travail!
Un autre élément qui est souvent coupé est les moyens de promotions des ventes ou du marketing. Après tout, les temps difficiles exigent un sacrifice de tous. Il faut sauver l’organisation. Aussi, aucun besoin de rehausser notre image, nos clients nous connaissent et nous aiment!
Ils gardent le nombre de cueilleurs indemne tant qu’ils le peuvent, mais lorsque la situation financière sera préoccupante, ils sacrifieront les cueilleurs de moins d’expérience (comme ils l’on fait depuis les 15 dernières années) afin de nourrir les cueilleurs plus âgés qui n’ont ni la force ni la volonté de rechercher de nouveaux arbres.
Ainsi, nous avons créé des cueilleurs mercenaires…
Ces mercenaires habitués à ces fluctuations positives ou négatives savent qu’ils ne peuvent compter que sur eux même. L’argent devient l’unique motivateur, car depuis toujours c’est ce que nous leur avons appris. En période positive, ils exigent toujours plus, car ils savent que les organisations ont besoin d’eux et profitent de l’occasion. En période difficile, car ils savent très bien qu’ils seront les premiers sacrifiés. Donc au final, autant sauver ma peau pendant que j’ai le choix… Le gain immédiat est la seule chose sur laquelle ils peuvent compter. Ces cueilleurs mercenaires devront se nourrir, donc ils iront inévitablement chez les compétiteurs ou chez les clients directement… Et lorsqu’ils seront bien en selle dans leur poste, ils évalueront leurs relations de confiance sur le long terme.
Mais au fond, tant que la disette est temporaire, ça va non? Il y aura toujours des cueilleurs disponibles, et lorsque nous manquerons de cueilleurs, nous n’aurons qu’à leur offrir une rémunération plus importante et ils reviendront naturellement. Au final, tout est une question d’argent non?
Et ces mêmes firmes se demandent pourquoi 15 ans plus tard ces cueilleurs n’ont plus de loyauté envers la bouche qui les a nourris pendant toutes ces années…
Est-il possible que l’argent ne soit pas uniquement la seule valeur de ces gens?
2) Il a ceux qui voient une opportunité de développer de nouveaux marchés.
Certains autres ont bien compris que le monde a changé et que le verger tel que nous l’avons connu ne sera plus jamais le même. Le verger a changé.
Donc, il est temps d’explorer de nouvelles possibilités. Par contre, explorer de nouvelles possibilités ne peut se faire individuellement, car il ne faut pas oublier, ces cueilleurs ne font pas que cueillir, ils doivent souvent être aussi au fourneau pour faire les tartes. Ils sont dans le champ à cueillir les pommes, mais aussi dans la cuisine et au fourneau.
Aussi, les habitudes du passé sont beaucoup moins performantes, il ne suffit plus de ramasser les fruits qui tombent, il faut monter de plus en plus haut dans les pommiers pour trouver des fruits de plus en plus petits. De plus, il y a une quantité de fruits dans les pommiers des compétiteurs qu’ils tiennent pour acquis, tout en ne surveillant pas trop ce qui se passe.
Il y a une quantité de jeunes pousses de pommiers dont personne ne s’occupe, car ils ne donnent pas suffisamment de fruits. Ces nouveaux pommiers d’une variété moins populaires et souvent abandonnés, car ils sont moins « connus» moins « visibles », moins « médiatisés » sont peut-être la source de l’avenir qui sait.
Mais au final, tout ceci doit se travailler en équipe… Mais cette génération d’individualité ne changera pas de mentalité du jour au lendemain. Il faut donc prendre conscience que nous avons nous-mêmes bâti cette individualité au cours des dernières années. Ce n’est pas la peine de la décrier, c’est une valeur profondément ancrée.
Donc, l’ironie dans la situation est que l’unique façon de travailler en équipe dans ces circonstances est de créer un projet collectif basé sur cette individualité, c’est-à-dire qu’au final, l’important est de mettre en place des vrais éléments positifs d’engagement individuel. Tous doivent y voir leur avancement personnel dans ce projet collectif. Voici quelques suggestions :
1) Stimulez les initiatives personnelles ou les initiatives de petits groupes.
Cessez de vouloir tout contrôler et « de mettre sous la même ligne de direction rigide ». Jamais vous ne pourrez stimuler des individualistes en leur disant qu’ils agissent pour l’organisation et pour le bien collectif. N’oubliez pas, ils le font pour eux même en premier lieu. Et si l’organisation en profite, tant mieux.
2) Mettez en place une structure de leadership flexible et ouverte
Tous doivent sentir qu’ils ont une influence certaine sur le leadership de l’organisation. Ils ont besoin de s’exprimer, de comprendre et de témoigner, à tort ou à raison.
3) Écoutez-les VRAIMENT
Investissez le temps nécessaire pour les écouter. Ils ont besoin de sentir qu’ils font la différence, que leurs initiatives et leurs réalisations sont importantes. Ils ont besoin de vous. Ne faites pas semblant d’écouter, car ne l’oubliez pas, les faux sont toujours découverts.
4) Et finalement, cessez de valoriser strictement le gain financier
Coupez le cercle infernal du mercenariat. Valorisez vos gens, non seulement par les gains financiers, mais aussi par la reconnaissance de leur travail, de leur succès, de leur avancement. Ne faites pas l’erreur de tout tourner autour de l’argent. Vous créez votre propre perte.
Finalement, en cette période de changement profond de nos pratiques d’affaires, vous avez entre les mains une occasion unique de créer une véritable équipe qui vous assurera des fruits pour les prochaines années. Profitez de cette période de réflexion et provoquez un changement profond dans votre organisation.