Alors que l’on commence à parler de déconfinement, bien des peurs et des interrogations se posent. Mais surtout là encore, la nature humaine rend les choses plus compliquées. Essayons de comprendre ensemble.
Les autorités nous ont abreuvés depuis des semaines avec la peur du méchant virus, et nous ont incités à nous cacher afin de protéger ceux que nous aimions. Nous nous sommes nourris à cette bataille de tous les jours qui avaient comme but, ne l’oublions pas, de permettre à notre système de santé de supporter la demande et de soigner ceux qui le devait, et non pas d’éliminer le virus. Et certains font le raccourci en croyant qu’au retour, le virus ne serait plus là et que nous serons en sécurité… comme avant.
En ce sens, nous avons construit, pour certains plus difficilement que d’autres, une nouvelle zone de sécurité dans nos maisons. Nous nous sommes organisés dans cette nouvelle vie, cette nouvelle routine qui nous a permis de mieux nous en sortir. Mais à l’aube du déconfinement, les vieilles peurs humaines ressurgissent. Un phénomène dont j’ai l’impression que les autorités et les dirigeants sous-estiment.
Il faut se rendre à l’évidence, on ne peut pas attendre un vaccin avant d’établir une zone de confort. Il va falloir tranquillement accepter que nous allions vivre avec un virus dans la nature pendant au moins une année. Nous allons devoir accepter que pour une vaste majorité d’entre nous, nous allions devoir l’affronter, le combattre et le vaincre. Nous allons devoir protéger les plus vulnérables de la société afin que ceux qui ne peuvent pas le combattre en reste loin. La société ne peut pas se mettre sur pause pendant une année. Et finalement, nous allons devoir accepter qu’il y ait une partie de notre monde que nous ne contrôlons pas. Il faut vivre avec ce virus, comme nos ancêtres vivaient avec un monde où les prédateurs pouvaient les manger la nuit. Et pourtant ils ont survécu.
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Lors de la crise du verglas 1998, nous avons vécu le même phénomène. Alors qu’à l’arrivée nous avions reçu des milliers de réfugiés climatiques, tous se retrouvaient sans repères, paniqués comme des proies. Mais les humains sont des êtres d’adaptation. Après quelques semaines, leur nouvelle vie était ici, dans ce centre. Ils avaient leur routine, leur ami, leur nouvelle vie. Lors de la fin de la crise, sur le terrain, une partie des gens étaient heureux de retrouver leur vie normale, une grande portion a vu leur ancienne vie beaucoup moins intéressante que la nouvelle qu’ils avaient construite aujourd’hui. Avec leurs proches, leurs habitudes, leur univers. Et quitter cette nouvelle zone de sécurité a empiré des peurs bien ancrées dans l’esprit humain, les mêmes peurs qu’ils aient vécu lors de leur arrivée. Et finalement, après bien des efforts et des semaines de travail avec des travailleurs sociaux, des douleurs humaines, des gens qui pleuraient, des émotions fortes, nous avons pu convaincre ces personnes de retourner chez eux.
Pour moi ce déconfinement fut marquant. Je vais toujours me souvenir d’un vieux Monsieur particulièrement bougon, qui avait passé les dernières années seul à sa maison, construire un univers qu’il aimait beaucoup plus. Il ne voulait pas revenir à son ancienne vie. Le choc du déconfinement était tellement fort qu’il est décédé dans mes bras d’une crise cardiaque. Un moment que je n’oublierai jamais.
Je pense encore à vous cher Monsieur Bougon, vous m’avez marqué à vie!
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Reprendre la vie normale n’est pas facile. Et je dirais que même ceux qui sont bien heureux de retrouver leur boulot seront marqués à jamais de cette aventure. Vous en tant que chef, vous allez devoir être aux premières loges afin de stimuler le retour à la normale. Voici quelques conseils pour vous permettre de bien passer à travers cette phase délicate.
- Ça prend du temps et çà se prépare
Comme le disait un journaliste aujourd’hui, il est facile de « fermer la switch » pour forcer le confinement, mais la liberté et le retour à la vie normale se prépare. Vous avez le mandat de bien planifier les choses afin que les choses se fassent dans la douceur et que les humains comprennent qu’ils vont devoir « encore une fois » s’ajuster a une réalité qu’ils viennent tout juste d’accepter ». Que ce soit dans vos entreprises ou dans vos sociétés, vous allez devoir en parler longtemps d’avance avoir un plan précis graduel, avec des actions coordonnées et rassurantes. Vous devez prendre le contrôle de cette phase. Et le contrôle, ça se prépare.
2– Communiquer, communiquer et rassurer
La communication devient aussi essentielle que lors du confinement. Vous demandez à vos gens de faire le même effort qu’ils ont fait une fois. Et surtout, tous quittent une zone de sécurité durement construite autour d’eux. Rassurer authentiquement, franchement et directement. Parlez-leur franchement, et des vraies affaires. N’essayez pas de polir votre discours. Car derrière les mots, se cachent les vieilles peurs que vous avez construites au cours des dernières semaines.
3- La vie viendra à la normale, avec le temps
Vous vous souvenez des 4 phases du confinement dans le guide de survie en confinement? (le lien figure au bas de l’article)
Vous allez avoir les mêmes 4 phases pour le déconfinement.
Phase 1- La nouveauté
Phase 2- Le travail
Phase 3- La fatigue et le découragement
Phase 4- L’acceptation…
Ce sera identique, car encore une fois on demande aux autres d’établir un nouveau cycle d’habitude. Et ce nouveau cycle se terminera lorsque tous se sentiront en confiance et en sécurité. Mais ça prendra encore 17 à 21 jours avant que la majorité retrouve une nouvelle zone de sécurité et puisse fonctionner normalement, en gardant cette marque indélébile.
4 à 12- Les mêmes conseil du guide de survie en confinement…
C’est assez ironique, mais la procédure de déconfinement tient à peu de choses près, la procédure de confinement. Alors les conseils sont les mêmes, car au final, dans les deux cas, les mêmes conseils s’appliquent. Alors je vous propose de relire le texte en gardant le regard vers le déconfinement, plutôt que de réécrire les mêmes éléments. La seule différence fondamentale est le temps. Alors que le confinement était forcé, donc beaucoup plus court dans le temps, en déconfinement, tout est plus long. Il faut juste que vous soyez conscient.
Prenez quelques minutes pour relire le texte, ce sera bon pour vous… Le lien figure au bas.
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Finalement, retourner à la liberté peut sembler euphorisant dans les premiers moments, mais elle sera aussi difficile que la mise en maison. Il faut juste être conscient que ce qui est en question n’est pas les facteurs rationnels, mais le facteur humain, qui lui, dans ce genre de crise est toujours sous-estimé.
Préparez votre liberté, car elle est importante. Ce n’est pas pour rien que pour la plupart des animaux, on a beau ouvrir la cage, rares sont ceux qui s’échappent à pleine vapeur, surtout ceux qui ont construit cette zone de confort dans cette cage… Soit plus de 21 jours…
Bonne liberté à tous… Dans un mois ou plus…
Steph